St Malo et ses îles – 14 et 15 septembre 2019

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Ce vendredi soir la débauche est plus précipitée encore. Le weekend commence sans plus attendre. Dès la fin du travail, nous convergeons vers Port Neuf pour prendre le matériel, les bateaux et se jeter sur la route. Toute la semaine nous y avons pensé. En préparant méthodiquement nos sacs étanches, notre matériel de bivouac, la nourriture et l’eau, en raturant les listes faites pour ne pas oublier : pagaies de secours, bouts de remorquage, casques, pagaie, gilets, jupes. Nous nous retrouvons donc pour charger et atteler la voiture avec Maxime S. et Emmanuel. Quand enfin nous sommes prêts, nous quittons La Rochelle pour rejoindre St Malo. Tous les trois sommes de Bretagne, Maxime des Côtes d’Armor, Emmanuel du Morbihan et moi du Finistère. C’est presque un pèlerinage que nous effectuons : naviguer dans les mers natales… Là-bas au camping, nous attendent Claude, responsable de cette sortie et Dominique qui est parti directement de Poitiers. Il est déjà tard lorsque nous arrivons et les tentes seront montées dans la nuit. Un camping au bord d’une route… un emplacement tout contre elle. Je compte les voitures une bonne partie de la nuit.


Le lendemain matin, après avoir soigneusement plié nos affaires, nous décollons vers St Servan et la tour Solidor. Un port de St Malo qui donne sur l’Anse Saint Père, à la sortie de la Rance. A 9h00 nous y sommes. Le temps de ranger tout le matériel dans les caissons et nous sommes sur l’eau. Nous faisons cap plein nord sur Cézembre, une île massive en face de Saint Malo à environ 5 miles nautiques de notre point de départ. Il fait beau, la marée est étale, c’est le moment idéal pour démarrer notre navigation. A mi-chemin, nous nous regroupons pour faire un point. Tout le monde a le sourire. Derrière nous, le Bretagne, bateau de liaison avec les îles anglo-normande de la Britanny Ferries arrive sur nous assez tranquillement sans avertir de quoi que ce soit. Nous reprenons nos pagaies pour nous éloigner…

Cézembre est maintenant toute proche et les remous sont plus vifs. Une large plage est visible au sud, tandis qu’à l’ouest un piton rocheux blanc se détache de l’îlot, découpé par la mer et recouvert de guano. Les conditions sont bonnes et Claude nous propose de faire le tour de l’île par l’ouest. Nous passons alors dans un autre monde. La Manche de ce côté est nettement plus tumultueuse et la côte y est largement déchirée de profondes entailles qui creusent des grèves inaccessibles où s’engouffrent des vagues. La mer est plus noire comme un mois de Cézembre ! Claude nous explique que le tour de l’île n’est pas toujours faisable. Nous avons de la chance. Nous amorçons le tour par le flan est de l’île. Là le courant y est nettement plus fort et nous avons à passer un bouillon qui génère des vagues statiques. C’est une expérience vraiment grisante, et une première pour moi. Les vagues nous font parfois reculer, puis repartir dans l’autre sens, on semble partir au surf mais on n’avance que d’un mètre. Les bateaux bien lourds de leur chargement sont stables et nous passons la pointe.

Nous débarquons sur Cézembre. La plage est quasiment vierge de traces. On ne s’attendrait pas à croiser quelqu’un que l’on connaît ici. C’est sans compter sur Claude. Sur une autre plage, un autre groupe de kayakistes a débarqué et on entend appeler : « maître Boyer ! ». Claude est repéré ! C’est un club de région parisienne, où Claude est connu comme le loup blanc.
Nous visitons l’île avant de déjeuner. Cézembre a été largement bombardée durant la seconde guerre mondiale et elle est truffée de blockhaus et de canons gisants dans leur rouille. Une partie de l’île reste inaccessible encore tant d’explosif y est tombé dessus.

Après un frugal repas nous repartons au sud-ouest. Nous passons le récif des grands jardins et la marée descendante nous offre de plus en plus de passes à cailloux. Peu à peu, le paysage se transforme laissant émerger des roches noires dont nous cherchons les recoins. Près de 9,5 mètres de marnage ce jour ! C’est un tout autre monde qui se découvre. Nous faisons escale sur l’île Agot, en face de Briac sur mer. Au sud de l’île, une petite plage permet de débarquer. L’île n’est habitée que par des oiseaux mais regorge de moules que nous décidons de pêcher pour améliorer le repas du soir. Ce sera toujours meilleur que la nourriture déshydratée. Nous prenons notre ration puis repartons vers l’île d’Ebihen, notre point d’arrivée pour la journée. Un récif constitué de monticules de roches noires de plus de 10 mètres de haut, les Haches, prolonge l’île au nord. Le clapot qui s’y trouve nous appelle et nous nous lançons au milieu de ce massif de pierres. Ça remue à souhait, juste ce qu’il faut pour finir une journée. Nous faisons le tour par le sud. Nous découvrons une île magnifique où quelques maisonnettes se posent sur les rochers au-dessus d’une eau turquoise. L’anse principale nous paraît trop fréquentée. Des bateaux ont mouillé l’ancre et nous tenons à notre tranquillité. Nous irons débarquer de l’autre côté de l’île, à l’ouest. Il y aura un peu plus de vent mais nous serons seuls.

La soirée se passe tranquillement. Une fois nos tentes montées entre nos kayaks, nous partageons verres, moules et commentaires. Un phoque vient même à pointer sa tête hors de l’eau à trois reprises, puis une fois tout le monde debout pour le voir, disparaît sans plus jamais remontrer ses moustaches.
La nuit est évidemment bien plus savoureuse que la précédente. Ici pas de bruit de voiture, juste le clapot des vagues. Une fois plié notre bivouac, nous repassons les Haches qui se montrent plus calmes que la veille et sous un soleil toujours aussi radieux nous piquons entre l’île Agot et la presqu’île du Perron. Le programme : du longe côte jusqu’à St Malo. Tout au long du retour, nous profitons des nombreuses occasions de passer entre les rochers, attendant toujours le moment opportun pour engouffrer nos kayaks sur le dos d’une vague remplissant les creux qui pourraient gratter nos coques ! Tout le monde a pris goût à l’exercice. Nous passons la colline de la pointe de la Garde Guérin puis approchons de la pointe du Décollé. Là nous attendent les derniers courants et clapots. Une fois la pointe passée nous faisons cap sur une petite crique pour y manger. Nous dressons la table après un bain salutaire tant il fait chaud ce matin. Nous repartons avec St Malo en vue. Nous traversons la rade pour voir de plus près la cité Corsaire.

 

Il ne nous reste plus quelques coups de pagaie pour rentrer au port de St Servan. Ce fut une navigation pleine de paysages et de ressources. Même avec une mer aussi calme, nous avons tout de même eu quelques moments sportifs. De retour sur cale, le monde terrien nous rappelle à la dure réalité : on n’est tranquille que sur l’eau. Ça crie, les chiens aboient… On plie tout et on rentre, après un dernier verre partagé ensemble. A la vôtre tous !

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Ronan MAREC